
L’expansion espagnole se poursuit dans le monde. A présent chacune des puissances de la vieille Europe réclame sa part de butin. les échanges s’intensifient de gré ou de force. Notre orchidée en fait partie. Elle est présentée aux plus grandes cours, celle d’Espagne bien sûr puis celle d’Angleterre, juste avant de faire son apparition en France en 1605. L’engouement de la noblesse pour la vanille devient tel que les puissances voudraient toutes l’implanter dans une de leurs colonies. Les espagnoles, présents d’est en ouest du globe pensent aux Philippines; après tout le climat est favorable, rien de plus simple, il suffit d’y amener des plants…mais ça ne fonctionne pas ! En France Louis XIV conquis lui aussi tente sans succès une introduction sur l’ile Bourbon… C’est ainsi que pendant plus de trois siècle toutes les tentatives de production hors de son lieu d’origine se solderont par des échecs: rien ne se passe, elle ne produit aucun fruit. Ses jolies fleurs sont certes très appréciées mais, il faut se rendre à l’évidence aucun insecte local ne semble pouvoir féconder la fleur de vanille. Eh bien ! Qu’à cela ne tienne, il n’y a cas aller les chercher là où ils sont et leur présenter la vanille à marier. Hélas là également, tous les efforts d’introduction d’abeilles présentent dans l’aire d’implantation naturelle de la plante ne donnent de résultat, car l’insecte déraciné ne survit pas sous ces nouvelles latitudes, pas plus que ces malheureux colibris importés à grand frais du Mexique. Notre vanille déboussolée par ce déménagement forcé vers l’hémisphère sud fait la morte.
Nous sommes à présent en 1836, les botanistes ont pris les choses en mains et se torturent les méninges afin de trouver une solution à la pollinisation de la ,fleur récalcitrante. C’est le naturaliste Belge Charles Morren qui la trouve et réalise cette première au jardin botanique de Liège, suivi quelques temps plus tard par l’horticulteur Français Joseph Neumann en 1837. Les Français montrent de plus en plus d’intérêt pour cette épices et ne baissent pas les bras, en 1819 une introduction de plants a réussie à la Réunion. Soit de guerre lasse la liane y a mis du sien, ou bien notre vanille commence à être habituée aux changements climatiques qu’on tente de lui imposer. Elle s’adapte également à Tahiti où en 1841 l’amiral Hamelin en ramène quelques plants embarqués à bord de la » Virginie », la même qui servira plus tard au transbordement des déportés de la commune vers la Nouvelle-Calédonie. On y croit, on sent le but proche. les échanges épistolaire vont bon train afin de transmettre les derniers conseils et informations. Mais en réalité, rien ne se passe. Curieusement les tentatives de nos deux savants semblent n’avoir été que des essais de laboratoire mal relayés auprès des producteurs potentiels et d’une technique alambiquée difficilement transportable sur le terrain. Ce n’est qu’en 1842, soit plus de 4 ans après Morren et Neumann, que de l’habitation d’un botaniste de Ste Suzanne au nord de l’ile de la Réunion, arriva la nouvelle que l’on attendait plus.
L’esclave Edmond, dont la mère meurt en le mettant au monde est né en 1829 sur l’exploitation Beaumont. L’enfant étant orphelin, on l’offre au frère du propriétaire, botaniste passionné de son état. Le petit Edmond grandi en sa compagnie sur le domaine de celui-ci et c’est tout naturellement que de Beaumont l’initie progressivement à la manière de féconder certaines fleurs de son jardin. Beaumont juge son élève doué, curieux, intelligent et se félicite du don d’observation dont l’enfant fait preuve. A ce moment la récolte de vanille de l’ile Bourbon est insignifiante, un rendement de 10/12 gousses pour 100 lianes cultivées, car il est possible que la fleur soit à l’occasion fécondée par une abeille plus entreprenante que les autres ou par un oiseau affamé, mais cela relève du plus pur des hasards. La frustration du botaniste est immense , car depuis sa réintroduction dans l’ile par le grand jardinier Perrotet, suite à son voyage en Guyane, les choses n’ont absolument pas évoluées; la fleur de vanille refuse toujours de livrer son fruit et rien ne permet d’aider sa nature hermaphrodite. Or une beau jour de la fin 1841… Beaumont se promène dans son vaste jardin avec le jeune Edmond alors âgé de 12 ans, lorsqu’il aperçoit une gousse de vanille sur son unique plant. Devant son étonnement le garçon lui dit alors que c’est la le résultat d’une fécondation à laquelle il s’est livré sur la plante quelque temps auparavant grâce aux explications qu’il lui avait lui même données ! Beaumont n’en croit rien et après quelques jours passés, demande au petit Edmond de recommencer devant lui la même opération sur une autre fleur. Celui-ci s’exécute aussitôt prouvant à son maitre qu’il était bien en possession de la seule technique connue de pollinisation artificielle d’une fleur de vanille. Notre botaniste est aux anges et fait connaitre la nouvelle par un article qu’il rédige tant bien que mal dans une gazette local. il ne faut pas longtemps avant que ne se manifeste l’intérêt des grands planteurs de l’ile. Aussitôt contact est pris avec Beaumont, le pressant de leur envoyer le garçon afin qu’il puisse enseigner à tous la technique de sa découverte. Et Beaumont se prête à leurs demandes. On reste abasourdi par le manque d’ambition dont fit preuve le botaniste afin que la découverte ne reste à sa main ! Peut-être ignorait il le besoin, ou alors grand humaniste, ne songea t’il qu’à faire avancer le progrès ou, plus simplement considérait-il que l’affaire n’était plus de son ressort et que tout bien pesé, l’honneur de la découverte suffisait bien à son égo. Dès lors les plantations se multiplient enfin avec succès, la vanille Bourbon était née.
Grâce à cette évènement la Réunion a pu prétendre un temps au titre de premier producteur mondiale de vanille. Entre temps une polémique est née concernant la conscience qu’avait le jeune Edmond de son geste, le devait-il à son sens de l’observation, avait -il détruit une des fleurs de son maitre intentionnellement afin de lui nuire, provocant par là la fécondation ? Mais Beaumont prit toujours la défense de son élève, disant qu’il avait personnellement assisté à la chose.
Le 20décembre 1848 date de l’abolition de l’esclavage, Edmond prenait le nom d’Albius, devenait libre et quittait Beaumont. Au même moment une modeste première cargaison de vanille d’un poids de 50 kilos est exportée de la Réunion, elle sera de 100 tonnes 50 ans plus tard. la main d’un enfant, qui ,part son geste allait enfin rassasier le monde de ce parfum exceptionnel, libéra subitement le secret si longtemps gardé par la nature. Les espoirs, enfin récompensés, refermeront à jamais l’ère de la domination des Totonaques… Une première page de la production de vanille était tournée. Pas plus que son maitre Albius ne put profiter de la découverte. Ils étaient tous deux une étape incontournable dans l’essor qu’allait subir la production de vanille dans les possessions françaises des Mascareignes. Une fois cette étape franchie, il n’y avait plus à regarder en arrière, il fallait vite rattraper le temps perdu. Albius s’éteignit en 1880, cette même année ou les premiers planteurs Réunionnais à la recherche de terrains plus vastes, d’une main d’œuvre plus nombreuse, introduisirent sa culture a Madagascar ou les troupes françaises allait bientôt détrôner la reine Ranavalona III, et ce à la demande répétée des élites réunionnaises. pour plus d’information sur la conquête de l’ile de Madagascar par la France vous trouverez plus d’informations sur la page du site Wikipédia Expédition de Madagascar — Wikipédia (wikipedia.org)
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